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Du tri à la source à la valorisation des biodéchets – Retour d’expérience de la CC Aygues Ouvèze en Provence

Olivier Prouteau : « La volonté de la communauté de communes est d’aller très loin en termes d’économie circulaire et de développement durable dans sa gestion des biodéchets ».

 

A l’approche du 1er janvier 2024, date à laquelle les collectivités auront pour obligation de proposer aux populations des dispositifs leur permettant de séparer les biodéchets des ordures ménagères, de nombreux acteurs souhaitent comprendre les différentes options et démarches que peuvent engager les territoires pour gérer ces déchets.

 

Dans une interview pour Métha’Synergie, Olivier Prouteau – Directeur général des services de la Communauté de communes Aygues Ouvèze en Provence depuis 20 ans – nous livre son retour d’expérience sur les choix effectués par la Communauté de communes (CC) en termes de valorisation des biodéchets.

 

Située au nord du Vaucluse, au sein d’un territoire « essentiellement rural ou semi-rural », la CC Aygues Ouvèze en Provence est composée d’une population d’environ 20 000 habitants. Depuis 2001, cette CC a décidé de donner la priorité à la mise en place du tri sélectif et est aujourd’hui précurseur en la matière de gestion de biodéchets dans la région.

 

 

Depuis 2017, votre collectivité a engagé une démarche de collecte des biodéchets auprès de ses administrés. Comment a été engagée cette collecte ?

 

Cette démarche a été engagée en 2015 par la commande d’une étude qui portait à la fois sur l’optimisation des coûts de la collecte et qui menait une prospective sur la mise en place de la tarification incitative.

 

Il est ressorti de cette étude, que si l’on voulait restreindre les coûts d’exploitation du service des déchets, la solution d’une collecte en point d’apport volontaire (PAV) plutôt qu’en porte à porte était fortement préconisée.

 

C’est pourquoi les élus ont fait ce choix d’un apport volontaire généralisé sur tout le territoire. L’acceptation sociale du projet n’a cependant pas été facile. En effet, ce procédé était une profonde révolution pour les ménages habitués depuis longtemps à voir le camion de collecte s’arrêter deux fois par semaine devant leur porte pour ramasser les ordures ménagères et les emballages ménagers recyclables.

 

Lors de la prise de décision de la collecte en apport volontaire, la collectivité s’est montrée novatrice et précurseur en la matière puisqu’elle a choisi d’y intégrer directement la collecte des biodéchets des ménages, en plus de celles des ordures ménagères, des emballages ménagers recyclables, du verre et des papiers.

 

 

Qu’est-ce qui vous a motivé à faire ces choix au niveau de la collectivité ?

 

La motivation est simple. A l’époque, dans les années 2016-2017, on avait un total de 5200 tonnes d’ordures ménagères et résiduelles collectées sur l’ensemble de la population. Quatre ans après, nos tonnages d’ordures ménagères sont passés à 3 700 tonnes.

 

Ces choix ont donc permis d’obtenir une baisse de 1 500 tonnes des ordures ménagères sur le territoire, cela fait quasiment 30% en moins, avec des coûts de traitement fortement réduits

 

 

Après cette décision de la collectivité, comment la collecte a-t-elle été mise en œuvre ?

 

On a alors installé des points d’apport volontaire qui permettent de traiter les cinq types de flux (OMR, verre, papiers, emballages et biodéchets). Ils se présentent sous formes de colonnes enterrées uniformes de 3m3 chacune avec une signalétique propre à chacune. A ce jour,  491 colonnes enterrées ont été installées dont 77 pour les biodéchets.

 

Concernant leur emplacement, nous avons pensé que les sites devaient être le plus proches des axes de déplacement des usagers. On est parti dans une logique d’escargot en termes d’aménagement en partant des centres villes et en se déployant jusqu’à arriver sur les zones les plus reculées ou les moins denses en habitat.

 

Aujourd’hui, 3/4 de la population est couverte par le système de l’apport volontaire avec environ 500t par an de biodéchets récupérés.

 

Nous mettons à la disposition de nos usagers des bio-seaux ajourés et, depuis le début de l’année, nous fournissons également des sacs kraft. Les colonnes biodéchets sont collectées 1 fois par semaine, sauf en été ou elles le sont 2 fois pour éviter les nuisances olfactives.

Les véhicules sont lavés après chaque tournée dans notre station de lavage et les colonnes sont lavées et désinfectées de manière régulière.

 

 

Nous nous sommes mis une échéance de 2023 pour achever le maillage et 2024 pour instaurer la tarification incitative qui est pour nous l’étape finale.

 

 

Concernant la tarification incitative, quels sont les intérêts d’après vous ?

 

Les intérêts sont multiples. Cela fait des années que l’on explique aux citoyens qu’ils doivent trier leurs déchets  et que l’on met à leur disposition les outils nécessaires.

Avec cette tarification, l’usager paiera le juste prix de ses déchets contrairement à la taxe d’enlèvement des ordures ménagères qui existe déjà et qui est profondément inéquitable.

Nous savons qu’il y a des inconvénients mais les bons trieurs en profiteront, ce sera la récompense.

 

 

Ne craignez-vous pas une augmentation des déchets sauvages et des incivilités ?

 

Les dépôts sauvages sont inéluctables et nous en trouvons déjà aujourd’hui mais nous mettons en place des moyens pour lutter contre ces incivilités. Je ne pense pas qu’il y aura plus de débordement lorsque l’on passera à une redevance incitative.

 

 

Pour revenir à la collecte des déchets par apport volontaire, comment ce projet a-t-il été financé ?

 

Pour les colonnes biodéchets, on a pu bénéficier de l’aide à l’investissement de la part de l’ADEME.

Lors de nos premières commandes en 2016-2017, l’ADEME nous a versé une subvention de 552 000 €. Cela correspondait au prix de notre programme d’équipement pour les deux années de démarrage.

Nous avons également pu bénéficier d’une aide pour la réalisation de l’étude en amont.

 

 

Les coûts d’installation sont élevés, y-a-t-il des avantages au niveau économiques à choisir une collecte en apport volontaire plutôt qu’en porte à porte ?

 

Il est vrai que l’investissement pour mettre en place des points d’apports volontaires est conséquent par rapport au porte à porte [qui est déjà en place].

Les dépenses d’équipement pour l’installation de ces dispositifs oscillent entre 800 000 € et 1 M€ par an mais ensuite il suffit d’un camion, d’une grue et d’un chauffeur pour effectuer la collecte.

 

En passant en système de PAV, nous avons réduit nos charges de fonctionnement de 20% environ grâce à une réduction des fréquences de collecte baissant ainsi les frais de personnels et de transport.

 

 

Comment ce nouveau système a-t-il été accueilli par les habitants ?

 

Beaucoup de personnes avaient l’impression que l’on supprimait un service public lorsque l’on est passé du porte à porte à l’apport volontaire. On a donc dû expliquer que l’on offrait simplement un nouveau service public. Il a fallu faire preuve de beaucoup de pédagogie et savoir communiquer à intervalles réguliers.

 

La communication est le b.a-ba de la réussite d’un projet comme celui-ci.

 

Nous avons en effet eu quelques soucis de qualité de tri au démarrage à cause des incivilités, mais la mise en place d’un système d’accès par badge a permis d’améliorer de manière significative la qualité du tri. Chaque habitant peut faire la demande auprès de la collectivité pour obtenir un badge qui déverrouille l’accès à la colonne.

 

 

La communication est l’un des facteurs clés pour une collecte séparée des biodéchets réussie. Quelles actions avez-vous déployées ?

 

Tout d’abord, beaucoup de porte à porte a été effectué à la mise en place de la collecte.

Des ambassadeurs du tri ont tourné sur les 8 communes pendant l’année qui a précédé le déploiement de cette nouvelle organisation. Ils ont ainsi pu rencontrer la plupart des ménages pour leur expliquer notre démarche.

 

Nous avons aussi fait des campagnes de communication plus institutionnelles avec notre magazine, des dépliants, des flyers, des informations sur les sites internet : http://www.ccayguesouveze.com/dechets/les_bio-dechets/

 

 

A chaque fois qu’un nouveau PAV était créé, un de nos ambassadeurs du tri se chargeait de lancer une campagne de communication spécifique pour le quartier. Le coût n’est au final pas énorme et nous avions à l’époque pu obtenir des aides.

 

 

Auriez-vous une recommandation particulière concertant la mise en place de la collecte par apport volontaire ?

 

Ma recommandation est simple : privilégier le mode de gestion en régie.

Nous n’étions pas satisfaits de notre prestataire auquel nous avons été obligés d’imposer des pénalités financières car les collectes n’étaient pas correctement effectuées. Le passage en régie s’est imposé comme une évidence pour nous. Ce choix nous permet d’avoir plus de flexibilité et de réactivité.

 

Nous avons aussi pu faire de réelles économies au niveau financier. Avec ce système, nous avons fortement diminué les doléances de la part des usagers. 

 

 

Vous nous avez donc expliqué comment la communauté de commune a fait évolue le système de collecte des déchets en porte à porte vers une collecte des déchets et des biodéchets en PAV. Une fois ces biodéchets récoltés, que deviennent-ils ?

 

Il n’existe pas énormément d’exutoires en matière de biodéchets dans la région.

Depuis l’année dernière, un partenariat a été noué avec un prestataire qui se trouve à Châteaurenard. Même si nous en sommes satisfaits, le tarif de cette prestation reste cependant élevé (130€ HT/t contre 140€ HT/t pour le traitement des OMR). Du fait de ces coûts de traitement et de valorisation, la mise en place de la collecte des bio-déchets ne génère que très peu d’économies.

Face aux diverses contraintes et coûts de ces possibilités de recyclage, est née notre réflexion autour du fait de créer notre propre plateforme de compostage des biodéchets.

On a d’abord mené des études pour évaluer la faisabilité de ce projet jusqu’à arriver à un stade de projet très abouti. En 2020, nous avions déjà obtenu le permis de construire et acheter les parcelles sur lesquels on comptait implanter cette plateforme, lorsque nous avons appris qu’une société privée à quelques kilomètres de là avait l’intention d’ouvrir sa propre unité de méthanisation. Nous nous sommes retrouvés face à un cas de conscience…

 

 

Face à cet imprévu, quelle décision a pris la CC ?

 

Deux choix s’offraient alors à nous : soit on poursuivait notre projet en laissant un organisme privé développer un autre mode de traitement, soit l’on trouvait un terrain d’entente avec eux.

 

La réflexion a été vite menée étant donné que l’on utilisait le même gisement et qu’il aurait été contreproductif d’avoir deux projets concurrentiels. On s’est donc rencontré et a alors démarré un long processus d’entente.

 

Au final, nous avons renoncé à établir notre projet de plateforme à Camaret-sur-Aygues comme cela était prévu pour laisser place à un projet plus global avec la société ALCYON, spécialisée dans le compostage et dont la directrice préside l’association des agriculteurs méthaniseurs de France.

 

Une unité de méthanisation et une plateforme de compostage des déchets verts (d’une capacité de 1 500t/an) seront donc développés côte à côte sur le territoire de Piolenc, permettant une complémentarité et un compostage de tout ou partie du digestat produit si ce choix est retenu.

 

 

Comment seront financés ces équipements ?

 

Ces équipements seront financés par le recours à l’emprunt et avec le concours financier de nos partenaires institutionnels : l’Etat et l’Union européenne dans le cadre des plans de relance, l’ADEME, la Région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur et le Conseil départemental de Vaucluse.

 

 

Vous avez donc un rôle financier étant donné que vous serez majoritaire dans la SEML, comment va se dérouler la gestion du projet ?

 

Elle se fera selon toute vraisemblance sous la forme d’une délégation de service public. Au vu de l’expérience, l’expertise et la technicité de notre partenaire, il est naturel pour nous qu’il en assure la gestion et l’exploitation du site

 

 

Avec ce projet d’unité de méthanisation et de plateforme de compostage des déchets verts, quelles sont les ambitions de la CC ?

 

La volonté de la CC est d’aller très loin en termes d’économie circulaire et de développement durable dans sa gestion des biodéchets.

 

La capacité d’absorption de l’unité de méthanisation sera de 15 000 tonnes, sachant que sur le territoire nous sommes aux alentours de 10 000 tonnes de gisement (provenant des ménages mais aussi les déchets agricoles, les déchets agroalimentaires et les cultures intermédiaires à valorisation énergétique (CIVE).

 

Nous avons donc de la marge pour accueillir ceux des territoires voisins avec qui nous sommes déjà en relation et qui, confrontés à l’échéance de 2023, devront organiser une collecte sélective des biodéchets.

 

Nous sommes dans l’esprit d’apporter une solution territoriale qui ne se limite aux frontières de la Communauté de communes.

 

Nous avons aussi un projet à plus long terme de création d’une station GNV qui permettrait de fournir en GNV le public mais aussi de subvenir aux besoins de nos véhicules de collecte qui consomment du carburant.

Le développement de ce projet est assez ambitieux qui peut être utile à l’ensemble de la population mais aussi aux professionnels.

 

Nous sommes donc dans une démarche économique avec une logique de réduction des coûts mais aussi dans une démarche profondément écologique.

 

C’est beaucoup de travail, mais la finalité est belle.